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25 novembre 2013 1 25 /11 /novembre /2013 10:24

-1-

C'était une nuit fatidique.
Lentement, j'avais baissé bras et paupières.
J'étais vaincue.
Il m'est alors réapparue.
Black out interne ou l'anxiogène noirceur d'un vide sidéral au beau milieu duquel perçait, telle la dilatation d'un millimétrique point Cardinal qui enfle, un espace concentrique étincelant.
Était-ce un trou?
Une perforation dans le tissu du réel?
Un court jus cérébral?
Un judas à travers l'écran des réalités réversibles?
Ou bien l'incommode mobilier d'une psyché obscurcie, lequel meublant le temps perdu/retrouvé, se serait à grand frais doté d'une oreille interne vers l'autre côté du miroir?
Mystère!
Le fait est que ce central lumineux, jusqu'ici obturé, gagnait en surface, aveuglant et envahissant l'écran noir de ma nuit blanche (comme dit l'autre).
Il fallait le faire cesser. Le risque encouru était trop vertigineux. Et plus que tout, même allongée, je craignais la sensation de chute.
Et si, dans cette mélasse qu'est chose mentale, tu revenais?
Toi, doublure… la vexation était faite, j'avais cru pouvoir t'oublier.
Réductible, tassée, les mains tordues, en un mot pitoyable, pourtant tu t'imposais encore, tout puissant, avec ce constat historique: Vilaine, l'extase après laquelle jadis tu courrais,  à la cadence des transports lubriques, ou dans l'état létal, en liquide à seringues pourvoyeuses en béatitude, ne sont rien, comparés au ravissement que je te propose, petite mendigote céleste d'intensités, tu en redemanderas, bras tendus, implorant le renouveau du râle, souffrante pathétique dans l'éternel "Encore!".
Avide d'expiations toujours recommencées, pourquoi, comment n'as-tu jamais songé à te soustraire définitivement à la somme des additionnés, pour me rejoindre dans la grâce?
Et, comme je suis juste, à ta grande culpabilité, je me laisserai désirer.
Ton corps entier bientôt ne sera plus qu'attente.
Inflexible, je te materai, mécréante carogne!

Tentateur va!  Tu fais du charme? lui réponds-je…
Mais voilà, tu es tout ce que je redoutais à l'intérieur de ce trou grandissant, oui tu es le tribunal de mon angoisse: un lieu chargé, tout au plus.

Le fils, pareil au père rédempteur, tout entier.
Tu me guettes depuis l'âge de huit ans. Je me souviens. Petite sauvageonne, à part les sillons de salades,  des oncles bouseux et taciturnes et une odieuse école de primaires, je ne voyais personne et ne connaissais rien.
Un jour, ma mère, persécutée par les exigences familiales, a conçu pour moi un dessein métaphysique (sa propre mère ne tirait elle pas les cartes du tarot?).
Elle allait bientôt m'entraîner, par dessus sa Mobylette bleue, chez la dame du catéchisme. Aussi rétive qu'indomptée, je m'y rendais, à reculons, comme un pauvre diable.
J'avais déjà remarqué, gauche dans les jupons musclés et musqués de ma grand-mère, grande figure chrétienne s'il en est, qu'abnégation, science, conscience, et force compassion trônaient majestueusement de cave en grenier, à tous les étages! Du lourd!

J'avais noté aussi, que je n'aimais pas les airs gentils, dociles que se donnent les dévots.
De plus l'humanité corvéable, déjà, et toujours, merci bien, m'exaspère.
À huit ans, précoce, je me prédestinais à une toute autre question économique et cruciale: comment vivre sans travailler quand on est pas rentière.
Là, dedans le salon pavillonnaire de la dame du cathéche, j'étais, raide comme justice, assise aux côtés de congénères, sujette à d'atroces crispations et soubresauts  à la vue de ces petits chrétiens, tous avaleurs de pains au chocolat, compensation que je leur jalousais tant j'étais déjà mauvaise. C'est ici que pour la seconde et dernière fois je perdis ma candeur. En effet, la première fois que je pris le deuil de la pauvre innocence enfantine, ce fut en me trompant, je confondais les mots Chrétiens et  Crétins, bien à mon insu, je vous assure!  Avouez qu'ils ne sont pas si éloignés l'un de l'autre. C'est alors que  Mémé la valeureuse, auréolée de sainteté et des meilleures intentions du monde pour chacun des "siens", m'allongea une mémorable rouste: VLAN, tiens, ça t'apprendra, prends ça mon enfant, c'est pour ton salut éternel.
Ce menu châtiment corporel provoqua, peut-être, qui sait, une forme de renoncement à toute vocation de thaumaturge. Mais Mère-grand, dotée d'un très grand sens théâtral, ne passait pas par quatre chemins pour vous conduire à Rome. Chaque fois que ses fils lui avaient annoncé qu'ils avaient, en gros,  engrossé une bergère, constante elle répliquait : si tu as fait la faute, tu feras la pénitence!
Mais revenons au salon où je perdrais itou mon hymen spirituel.
Imaginez, en rangs d'oignons par-devers une table rustique "Mobilier de France", tout ce qui se faisait de plus "Cène" en ces temps de patriarche finissant; représentez vous douze petites têtes de jeunes paroissiens apeurés devant l'inconnu, aussi niais qu'ils n'étaient crédules et tout ouïs. En vérité, je vous le dis, la plupart d'entre nous ne songeait qu'à la pause pour engouffrer ces maudites chocolatines. C'est là, sur cette table rustique, l'œil fixé vers une baie vitrée que j'allais recevoir ma première hallucination. La lumière me chauffait la face, incendiant la masse de ma rouge chevelure, je brulais en écoutant la dame du catéche, et elle de parler, parler; courir après les mots pour expliquer l'inexplicable, disait-elle, pas de dieu non même pas, mais de son fils prophète (il y en avait donc un autre?); ma parole qu'il fait chaud pensais-je simultanément.

Soudain, j'eus un éblouissement, et je vis apparaître dans le jardin, au beau milieu du gazon anglais, surgissant de derrière un énorme cactus, (ou bien était ce une touffe de figues de barbarie?) le visage du Christ! Lui-même et en personne. Paupières closes, vaincu mais lumineux et je pissais dans ma culotte en tombant raide amoureuse du fils de Dieu. De toute ma vie, ce fut le seul évanouissement. La catéchèse en fut si impressionnée, qu'elle appela le médecin et refusa tout net de me recevoir les jeudis suivants. Privée d'enseignement religieux au prétexte que : Quand on a une enfant qui feint le diabéte, on la soigne Madame!

C'est ainsi que j'emportais avec moi le meilleur de l'imaginaire en laissant le pire.

Pas folle la guêpe!

 

 

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Voilà!

  • La Diva Vidal
  • PoHète et membre unique au ministère d'une sociète secrète autoproclamée de bas bleus (Terme de mépris de Gustave Flaubert pour désigner toute femme qui s'intéresse aux choses intellectuelles)
Usagère du mobilier du temps perdu/cherché
  • PoHète et membre unique au ministère d'une sociète secrète autoproclamée de bas bleus (Terme de mépris de Gustave Flaubert pour désigner toute femme qui s'intéresse aux choses intellectuelles) Usagère du mobilier du temps perdu/cherché

à propos des bas bleus

BAS-BLEUS

 

Gustave Flaubert y consacre une définition ironique dans son Dictionnaire des idées reçues Bas-bleu : Terme de mépris pour désigner toute femme qui s'intéresse aux choses intellectuelles. 

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